L’industrie canadienne de la fabrication d’aliments a la possibilité de contribuer à nourrir durablement une population en pleine expansion
La population mondiale compte maintenant plus de 8 milliards d’habitants, elle atteindra près de 10 milliards d’ici 2050, et la demande de nourriture ne ralentit pas. En effet, selon les estimations de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la population devrait atteindre 9,1 milliards d’habitants en 2050, et la production agricole devra augmenter de 60 % par rapport aux niveaux de 2005 pour nourrir la population mondiale croissante. Le défi consiste à produire plus d’aliments en utilisant les mêmes intrants, voire moins.
Nous avons précédemment exploré la productivité en agriculture. Il est maintenant temps de tourner notre attention vers le rôle essentiel que joue le secteur de la fabrication d’aliments dans la transformation des matières premières en produits alimentaires.
La fabrication de produits alimentaires joue un rôle de premier plan au Canada
La fabrication d’aliments est le secteur manufacturier le plus important au Canada en termes d’emplois et de ventes, et c’est un secteur qui présente un énorme potentiel. L’abondance de ressources du Canada en terres et en eau, jumelée à la solide réputation internationale de ses aliments pour leur salubrité et leur grande qualité, représente une belle occasion. Toutefois, le secteur doit adopter de nouvelles technologies pour soutenir une main-d’œuvre qualifiée afin de stimuler la productivité.
La productivité augmente lorsque la production progresse plus rapidement que le nombre d’heures travaillées
En d’autres termes, la productivité est une mesure de l’efficacité avec laquelle les intrants sont transformés en extrants. La mesure la plus courante est la productivité de la main-d’œuvre, c’est-à-dire le produit intérieur brut (PIB) par heure de travail, ajusté en fonction de l’inflation. Une meilleure productivité peut contribuer à stabiliser l’offre et le prix des produits alimentaires, à renforcer les entreprises et à rendre le Canada plus concurrentiel sur le marché mondial.
Cependant, augmenter la productivité n’a rien de facile et il n’existe pas de solution universelle pour tous les secteurs. La croissance de la productivité repose sur une combinaison d’efficience, d’économies d’échelle et d’innovation qui agissent ensemble pour relever le niveau de production avec les mêmes intrants, voire moins.
En 2023, une heure de travail permet de produire plus d’aliments qu’en 2003
Au cours des 20 dernières années, le secteur de la fabrication de produits alimentaires a haussé sa productivité, réussissant en effet à produire plus d’aliments en moins de temps.
Après avoir connu une période de croissance au début du siècle, le secteur a été confronté, entre 2008 et 2012, à des défis qui ont eu des répercussions sur la productivité. Le dollar canadien s’était alors apprécié face au dollar américain, ce qui était une bonne nouvelle pour certains, mais pas pour le secteur de la fabrication de produits alimentaires, axé sur les exportations. Les États-Unis, premier marché d’exportation des produits alimentaires canadiens, devaient donc payer davantage pour les denrées canadiennes, ce qui réduisait l’avantage concurrentiel du Canada. Des suppressions d’emplois ont eu lieu, des entreprises ont fermé leurs portes et la production a reculé de 0,76 % après des années de forte croissance (figure 1).
En rétrospective, l’industrie a connu des changements importants. Des entreprises se sont consolidées, ont investi dans de nouvelles technologies et dans l’automatisation et ont adapté leurs activités pour être concurrentielles pendant que le dollar canadien était fort. Au cours des cinq années suivantes, la productivité a augmenté de 11 %, en raison entre autres de l’affaiblissement du dollar canadien, mais aussi des changements apportés au cours des années difficiles. Depuis, la croissance de la productivité est demeurée relativement stable.
Figure 1 : La productivité du secteur de la fabrication alimentaire a rebondi après une glissade de 2008 à 2012, mais elle demeure stable depuis quelques années
Le sous-secteur de la mouture de céréales et d’oléagineux, bon premier pour la croissance de la productivité parmi les sous-secteurs
Le sous-secteur de la mouture des céréales et des oléagineux se démarque, car sa productivité a doublé au cours des vingt dernières années (figure 2). Cela s’explique principalement par la croissance rapide de la capacité de trituration des graines oléagineuses pendant cette période, les volumes de graines de canola triturées ayant plus que triplé, pour atteindre près de 11 millions de tonnes en 2023. Le Conseil canadien du canola a annoncé une capacité supplémentaire de 6,7 millions de tonnes d’ici 2025. Cela devrait aider les entreprises à répondre à la demande mondiale d’huile et de farine de canola et à maintenir la croissance de la productivité.
Au contraire, le sous-secteur de la mise en conserve de fruits et de légumes et de la fabrication d’aliments de spécialité a eu du mal à accroître sa productivité entre 2003 et 2023 (figure 2). Ce segment diversifié compte de nombreuses entreprises petites et moyennes dont la production va des aliments pour bébés au ketchup, en passant par les légumes congelés. Les entreprises qu’il regroupe nécessitent habituellement beaucoup de main-d’œuvre, ce qui réduit la productivité. Par contre, elles offrent des salaires concurrentiels et une occasion de développer des produits novateurs pour répondre à l’évolution de la demande des consommateurs dans un large éventail de catégories de produits.
Figure 2 : La croissance de la productivité varie d’un sous-secteur à l’autre
Paver la voie à la réussite
Le potentiel et le coût de la quatrième révolution industrielle, soit l’ère de la numérisation et de la fabrication intelligente, sont encore incertains, ce qui peut susciter des hésitations à investir. Toutefois, si ses retombées approchent celles des trois premières révolutions industrielles, l’industrie devrait la prendre en considération. Tout comme la vapeur, l’électricité et l’Internet, qui nous ont permis de produire plus avec moins, il semble que l’automatisation, la robotique, l’intelligence artificielle et la chaîne de blocs auront un effet semblable. Ces technologies permettent, entre autres améliorations de la production et de l’efficacité de la main-d’œuvre, de gérer les stocks, de prévenir les interruptions imprévues, de prévoir la demande, d’effectuer le suivi de la production et d’assurer le contrôle de la qualité.
De nombreuses entreprises utilisent déjà de nouvelles technologies (figure 3), mais elles sont moins nombreuses à le faire depuis 2017, en particulier du côté des petites entreprises. Nombreuses sont les personnes qui ne considèrent pas ces technologies comme pertinentes ou nécessaires, ce qui semble indiquer que le rendement de l’investissement n’est pas suffisant. Pour explorer la vaste gamme de technologies nouvelles et en évolution, les services de professionnels tels que les comptables et les ingénieurs sont utiles pour élaborer un plan d’affaires efficace prévoyant un rendement de l’investissement important. Une bonne option pour les petites entreprises est de chercher des produits technologiques offrant des structures de prix évolutives, par exemple un prix par capteur, afin de personnaliser plus facilement la solution pour l’adapter à la taille de l’entreprise. Pour une utilisation durable à long terme, la technologie doit s’intégrer aux pratiques commerciales actuelles et tenir compte des besoins précis de chaque exploitation.
Figure 3 : Les fabricants de produits alimentaires commencent à utiliser des technologies avancées et émergentes
En conclusion
Le secteur de la fabrication de produits alimentaires du Canada a le potentiel d’augmenter sa productivité et de contribuer à nourrir durablement une population croissante. Les entreprises doivent être prêtes à affronter la concurrence sur les marchés de demain et à gérer les facteurs externes, tels que les fluctuations des taux de change, en gérant l’efficience, en recherchant des possibilités d’expansion et en adoptant de nouvelles technologies. La position du Canada en tant que chef de file mondial de la production alimentaire durable continuera ainsi à se renforcer, ce qui profitera à tous les Canadiens et Canadiennes.
Économiste principal
Amanda s’est jointe à FAC en 2024 en tant qu’économiste. Spécialisée dans l’industrie agroalimentaire, elle effectue également des recherches sur la gestion de l’offre et les tendances de consommation. Amanda était auparavant à Agriculture et Agroalimentaire Canada, où elle a acquis une vaste connaissance de l’économie, des techniques et du secteur en occupant divers postes, notamment ceux de conseillère en matière de politiques, de chef de projets et d’économiste.
Amanda est titulaire d’une maîtrise en économie de l’alimentation, de l’agriculture et des ressources de l’Université de Guelph. Elle est également membre du conseil d’administration de la Société canadienne d’agroéconomie, où elle promeut les activités de rayonnement et l’importance de la recherche en agriculture et agroalimentaire.