La faiblesse de la demande limitera les ventes d’équipement agricole et exercera une pression sur les prix en 2025
Le marché de l’équipement agricole s’attendait à un ralentissement au cours de la dernière année en raison de la baisse des prix des produits de base, des coûts d’exploitation élevés et d’une diminution des profits. Confrontées à cette situation, les exploitations agricoles ont commencé à surveiller de plus près leurs coûts d’équipement par acre, à reporter leurs achats et à réduire encore leurs dépenses d’équipement afin de réaliser des économies. La situation ne concerne pas seulement le Canada; les agriculteurs américains font face à des circonstances semblables. Devant cette faible demande, les fabricants d’équipement agricole américains ont donc réduit leur production. Or, en fin de compte, ce qui se passe au sud de la frontière a des répercussions sur le marché canadien.
Dans les ventes de gros équipements, l’année a démarré en force au Canada, avec une hausse du côté des moissonneuses-batteuses et des tracteurs à quatre roues motrices. En fait, les ventes de moissonneuses-batteuses neuves réalisées au cours de la première moitié de 2024 ont été les meilleures en cinq ans, tandis que les ventes de tracteurs à quatre roues motrices ont été légèrement inférieures à celles de 2021 (figure 1).
Figure 1 : Les ventes de gros équipements au Canada ont été fortes en milieu d’année
Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène, notamment la vigueur des ventes plus tôt dans l’année en raison de la faiblesse des ventes aux États-Unis. Au cours des six premiers mois, les ventes de moissonneuses-batteuses aux États-Unis ont chuté de 17 % par rapport à l’année dernière. Ce ralentissement a permis aux fabricants américains d’expédier davantage de précommandes plus tôt au Canada. Normalement, le marché canadien des moissonneuses-batteuses enregistre la majorité de ses ventes au cours de la deuxième moitié de l’année. Il s’agit également d’un indicateur avancé d’un ralentissement inévitable des ventes de produits agricoles, auquel nous nous attendions.
Les ventes d’équipement neuf devraient diminuer
Selon nos projections, les ventes d’équipement agricole neuf ralentiront pour le reste de l’année 2024 et jusqu’en 2025 (tableau 1). Les ventes de tracteurs à quatre roues motrices sont restées fortes tout au long des neuf premiers mois de l’année, mais nous prévoyons une baisse au dernier trimestre. L’arrivée précoce des livraisons d’équipement entraînera un ralentissement du marché. Les ventes d’équipement agricole neuf devraient rester mitigées jusqu’en 2025, les agriculteurs subissant la pression causée par le recul du prix des produits de base, la hausse du prix des équipements et un resserrement de la rentabilité. Toutefois, le déclin des ventes devrait être moins important qu’en 2024, et les ventes de tracteurs à quatre roues motrices devraient rester supérieures à la moyenne quinquennale.
Tableau 1 : Projections de croissance des ventes d’équipement agricole neuf
Type d’équipement | 2024 par rapport à 2023 | 2025 par rapport à 2024 | 2025 par rapport à la moyenne sur 5 ans |
Plus de 40 CV | -17,9 % | -5,4 % | -28,8 % |
Tracteurs de 40 à 100 CV | -16,8 % | -3,3 % | -20,6 % |
Tracteurs de 100 CV et plus | -8,3 % | -5,2 % | -6,1 % |
Tracteurs à quatre roues motrices | -4,9 % | -1,4 % | 23,3 % |
Moissonneuses-batteuses | -10,8 % | -8,0 % | -6,9 % |
La livraison hâtive de nouveaux équipements par les fabricants a entraîné une augmentation des reprises, ce qui a touché le marché de l’équipement d’occasion. Par conséquent, la décélération du marché de l’équipement neuf devrait se répercuter sur le marché de l’équipement d’occasion.
Projections des ventes d’équipement agricole d’occasion
Ce qui frappe chez la plupart des concessionnaires d’équipement agricole, ce sont leurs stocks considérables de matériel agricole d’occasion. Les unités vendues sur le marché de l’équipement d’occasion ont diminué d’environ 20 % par rapport à la même période l’an dernier. Les tracteurs de plus petite puissance sont en baisse de 40 % en raison des conditions économiques difficiles et des taux d’intérêt élevés, qui ont réduit la demande pour ces tracteurs généralement utilisés sur les propriétés en milieu rural. Le marché des moissonneuses-batteuses d’occasion continue toutefois d’afficher des niveaux de stocks importants. Vu la transition vers des équipements plus performants, une moissonneuse-batteuse de grande capacité peut en remplacer deux plus petites. Cela a entraîné une augmentation des stocks de moissonneuses-batteuses d’occasion.
L’an dernier, près de la moitié des moissonneuses-batteuses usagées vendues étaient des modèles de classe 8, suivis de près par ceux de classe 9 (la puissance détermine la classe) [en anglais seulement]. Toutefois, on observe une tendance marquée à l’acquisition de machines plus imposantes et plus performantes, telles que les moissonneuses-batteuses de classe 10+. En 2024, les ventes de moissonneuses-batteuses de classe 10+ d’occasion ont plus que doublé par rapport à la même période l’an dernier, tandis que les ventes de machines de plus petite capacité ont diminué.
Nous estimons que les ventes totales de moissonneuses-batteuses d’occasion ont diminué de 18 % comparativement à la même période l’an dernier, ce qui a entraîné une accumulation importante des stocks de moissonneuses-batteuses usagées.
Les ventes d’équipement d’ensemencement et de plantation usagé ont reculé de 23 % sur douze mois, ce qui marque un ralentissement en regard des années précédentes. Cette tendance a des répercussions importantes pour notre secteur manufacturier, surtout en raison du rôle de premier plan joué par le Canada dans la fabrication d’équipement d’ensemencement et de plantation.
La baisse des précommandes aura une incidence sur le secteur manufacturier canadien
Comme mentionné ci-dessus, les fabricants d’équipement agricole aux États-Unis ont réduit leur production pour s’adapter à un repli de la demande. Au Canada, les ventes du secteur de la fabrication ont perdu 8,7 % au cours des neuf premiers mois de 2024 par rapport à l’an dernier. Nous prévoyons que les ventes du secteur manufacturier canadien continueront de diminuer et termineront l’année en dessous de 6,5 milliards de dollars. Les nouvelles commandes ont décliné de 9,2 %, ce qui laisse croire que les ventes poursuivront leur contraction en 2025.
À l’approche de la nouvelle année, plusieurs facteurs pourraient influencer nos projections et les décisions d’achat des producteurs.
Tendances à surveiller en 2025
1. Prix de l’équipement agricole
Compte tenu du ralentissement prévu des ventes, les stocks continueront de s’accumuler. Les résultats des ventes aux enchères pendant le reste de l’année seront un indicateur clé du comportement du marché de l’équipement en 2025. Les concessionnaires ont déjà organisé des ventes pour réduire leurs stocks, et il devrait y en avoir d’autres, notamment des ventes aux enchères de surplus d’équipement dans les prochains mois. Cela signifie que le prix du matériel agricole continuera de s’ajuster en 2025.
2. Taux d’intérêt et dollar canadien
Nous nous attendons à ce que la Banque du Canada continue d’abaisser son taux du financement à un jour jusqu’en 2025. La réduction des taux d’intérêt pourrait atténuer la pression financière, ce qui aiderait les producteurs agricoles à acheter de l’équipement. Toutefois, le dollar canadien devrait atteindre son niveau le plus bas depuis plusieurs années au cours du premier trimestre de 2025, avant de s’améliorer légèrement pour atteindre 0,73 $ US avant la fin de l’année. Cette situation pourrait faire grimper le prix de l’équipement importé, ce qui, combiné avec les pressions exercées sur les marges, pourrait être un autre facteur incitant les producteurs à attendre avant d’investir dans l’équipement.
3. Revenus agricoles
Les prix des cultures devraient rester faibles au cours de la prochaine campagne agricole, donc les recettes agricoles continueront d’influer sur la demande d’équipement. En revanche, le secteur de l’élevage bovin se porte bien grâce aux prix élevés du bétail, ce qui favorise la modernisation de l’équipement d’élevage. Toutefois, les éleveurs de bovins sont prudents en raison des sécheresses passées et du coût élevé des aliments pour animaux, mais ils profitent des forts prix actuels pour se remettre sur les rails. À mesure que les recettes agricoles s’amélioreront, les producteurs seront plus enclins à investir dans du nouvel équipement.
En conclusion
Le marché canadien de l’équipement agricole devrait ralentir l’année prochaine. Compte tenu du faible prix des récoltes, du coût élevé des intrants et du resserrement des profits, les agriculteurs attendent avant d’investir dans de nouveaux équipements. Les résultats des ventes aux enchères révéleront dans quelle mesure ils sont prêts à dépenser. Tout au long de 2025, à mesure que le prix de l’équipement s’ajustera et que les taux d’intérêt s’amenuiseront, les producteurs pourraient avoir l’occasion d’investir dans de l’équipement agricole si le coût par acre devient plus accessible. Si tel est le cas, les ventes d’équipement pourraient s’améliorer, mais les ventes globales continueront de baisser.
Économiste principal
Fort de son expérience dans les marchés agricoles et la gestion du risque, Leigh Anderson est économiste principal à FAC. Il est spécialisé dans la surveillance et l’examen du portefeuille de FAC et de la santé de l’industrie, et il livre des analyses sur les risques liés à l’industrie. En plus de faire des présentations sur l’agriculture et l’économie, Leigh participe régulièrement au blogue des Services économiques de FAC.
Leigh est entré en fonction à FAC en 2015 au sein de l’équipe des Services économiques. Il œuvrait auparavant auprès de la Direction des politiques du ministère de l’Agriculture de la Saskatchewan. Il est titulaire d’une maîtrise en économie agricole de l’Université de la Saskatchewan.