<img height="1" width="1" src="https://www.facebook.com/tr?id=806477592798641&ev=PageView&noscript=1"/>

Le métayage, une solution pour contrer le prix élevé des terres agricoles

30 oct. 2024
7,5 min de lecture

La valeur des terres agricoles à la mi-année a continué de grimper dans un contexte de rentabilité serrée. Le taux d’appréciation de la valeur des terres agricoles ralentit, tandis que l’abordabilité continue de se détériorer. Pour de nombreuses exploitations qui cherchent à prendre de l’expansion, le coût d’achat de terres est prohibitif, notamment pour les jeunes agriculteurs, les producteurs autochtones et les nouveaux arrivants au Canada. Du point de vue de la trésorerie, la location a toujours été plus attrayante et moins risquée que l’achat.

Le coût élevé des terres agricoles n’est pas le seul facteur qui empêche les jeunes agriculteurs d’accroître la superficie de leurs terres. La forte concurrence sur le marché de la location a également fait grimper les coûts de location. En outre, la baisse du prix des céréales et des oléagineux et la hausse du coût des intrants laissent présager que 2025 pourrait être la troisième année consécutive marquée par des marges négatives si l’on tient compte de tous les coûts variables et fixes compris dans un contrat de location en Saskatchewan (figure 1).

Figure 1 : Rendements des contrats de location au comptant (rotation canola-blé) pour les producteurs agricoles de la Saskatchewan

La figure 1 présente les rendements obtenus par les producteurs agricoles de la Saskatchewan (rotation canola-blé) dans le cadre de contrats de location au comptant.

Sources : Statistique Canada, calculs effectués par FAC

Les prévisions pour l’Ontario indiquent que 2025 pourrait être la troisième année de rentabilité réduite pour une rotation maïs-soya en vertu d’un contrat de location au comptant (figure 2). Les rendements moyens varieront selon le coût des terres pour chaque producteur, qu’il s’agisse de terres récemment acquises ou de terres louées, mais l’an prochain s’annonce encore comme une année de vaches maigres.

Figure 2 : Rendements des contrats de location au comptant (rotation maïs-soya) pour les producteurs de l’Ontario

La figure 2 présente les rendements obtenus par les producteurs agricoles de l’Ontario (rotation maïs-soya) dans le cadre de contrats de location au comptant.

Sources : Statistique Canada, calculs effectués par FAC

En conséquence, les agriculteurs envisageront des mesures de contrôle des coûts en raison de la baisse de la rentabilité, y compris des locations au comptant. Les contrats de location sont généralement renouvelés durant les mois d’automne. Toutefois, il peut s’avérer difficile d’ajuster les contrats de location de terres agricoles à la baisse. Les propriétaires pourraient être réticents à baisser le coût des locations étant donné que la valeur des terres agricoles continue d’augmenter. Par ailleurs, les réductions du coût de location qui sont nécessaires pour améliorer les marges pourraient être importantes, ce qui rendrait les propriétaires réticents à les accepter.

C’est là qu’il peut être avantageux d’envisager une entente de métayage, qui peut réduire les risques de baisse dans un contexte de resserrement des marges. Les ententes de métayage reflètent plus adéquatement les revenus et les coûts de production. Les terres agricoles étant de moins en moins abordables et les marges bénéficiaires se resserrant, nous avons décidé d’examiner les rendements en vertu d’une entente de métayage.

En général, une entente de métayage repose sur un partage des récoltes entre le propriétaire foncier et le producteur selon un rapport d’un tiers/deux tiers ou d’un quart/trois quarts. On parle de deux tiers ou de trois quarts de la part de la récolte du point de vue du producteur. Le propriétaire fournit la terre et une partie (soit le tiers ou le quart) des intrants de culture (p. ex., les semences, l’engrais, les produits chimiques et l’assurance-récolte), tandis que le producteur fournit toute la machinerie, la main-d’œuvre et le reste des intrants.

Comment les rendements du métayage se comparent-ils?

Nous avons simulé les rendements en utilisant les formes traditionnelles de métayage mentionnées ci-dessus. Dans l’ensemble, nos résultats révèlent que les rendements dépendent réellement de la campagne agricole et du type de culture. En Saskatchewan, la rentabilité des producteurs en vertu d’un contrat de location au comptant est plus élevée pendant les années où les marges sont globalement positives. En 2021, le métayage sur la base d’un rapport d’un quart/trois quarts a permis d’améliorer les marges. On constate en effet qu’en dépit des rendements négatifs du blé, les rendements plus élevés du canola ont permis d’obtenir des rendements plus élevés en vertu de contrats de location au comptant que dans le cadre d’ententes de métayage selon un rapport d’un tiers/deux tiers. Dans l’ensemble, les années où la rentabilité est négative, le métayage permet de réduire les pertes (figure 3).

Figure 3 : Rendements obtenus par les producteurs de la Saskatchewan pour les ententes de métayage par rapport aux contrats de location au comptant

Figure illustrant les rendements historiques et projetés des locations au comptant et des ententes de métayage en Saskatchewan.

Source : Calculs de FAC

Dans notre simulation en Ontario, les ententes de métayage selon un rapport d’un quart/trois quarts ont généralement donné le rendement le plus élevé, sauf en 2021, où les contrats de location au comptant ont été légèrement meilleurs (figure 4). Une entente de métayage selon un rapport d’un tiers/deux tiers a permis d’améliorer les rendements pendant les périodes où la rentabilité était plus faible, comme pour les deux dernières années (2023-2024) et l’année à venir. Nous avons constaté que le métayage était plus avantageux en Saskatchewan lorsque les rendements étaient presque négatifs tandis qu’en Ontario, il était plus avantageux lorsque les rendements étaient positifs mais serrés. Cette différence s’explique par le coût élevé des terres par rapport aux coûts totaux.

Figure 4 : Rendements obtenus par les producteurs de l’Ontario pour les ententes de métayage par rapport aux contrats de location au comptant

Figure illustrant les rendements historiques et projetés des locations au comptant et des ententes de métayage en Ontario.

Source : Calculs de FAC

Atténuation des risques et maintien des flux de trésorerie

Comme l’indique la figure ci-dessus, des pertes agricoles sont toujours possibles dans le cadre d’une entente de métayage. Toutefois, en vertu d’une telle entente, comme dans l’exemple de la Saskatchewan, les pertes peuvent être atténuées en moyenne de 40 %. Lorsque les producteurs agricoles subissent des pertes de trésorerie continues et des marges négatives pendant plusieurs années, leur flux de trésorerie peut s’en trouver considérablement affecté. En raison de cet effet cumulatif, les producteurs peuvent avoir plus de mal à assumer leurs coûts d’exploitation ou à s’acquitter de leurs obligations au titre de la dette. Pour les jeunes agriculteurs qui font leurs débuts dans l’industrie, le risque posé par des marges négatives au début de leurs activités est plus préoccupant. Les producteurs plus expérimentés, dotés d’un bilan solide et de liquidités suffisantes, sont susceptibles de mieux encaisser des marges bénéficiaires réduites.

Pourquoi les propriétaires partageraient-ils les pertes agricoles?

Les propriétaires peuvent être disposés à partager les pertes agricoles pour plusieurs raisons. Ils peuvent vouloir établir des relations solides et à long terme avec les producteurs agricoles, afin de garantir leur réussite mutuelle au fil du temps. Ils ont tout intérêt à ce que leurs locataires réussissent à long terme. Les propriétaires fonciers peuvent avoir plus d’influence sur les décisions de gestion des terres afin de garantir la pérennité de la terre. En partageant le risque de baisse pendant les années de moindres bénéfices, les propriétaires fonciers peuvent aussi en profiter pendant les années prospères. Dans certaines situations, les propriétaires fonciers (par exemple, des agriculteurs qui prennent leur retraite) peuvent conserver leur statut de producteur agricole à des fins fiscales. Au fil du temps, les baux de métayage pourraient être structurés de manière à ce que la moyenne soit égale au rendement des contrats de location au comptant.

L’offre restreinte devrait maintenir la valeur des terres agricoles à un niveau élevé.

L’offre de terres agricoles devrait rester limitée, même si l’âge moyen des agriculteurs tend à augmenter. Grâce aux progrès technologiques, de plus en plus de producteurs continueront à exercer leur métier jusqu’à un âge avancé. Même lorsqu’ils prennent leur retraite, toutes les terres ne sont pas mises en vente. Un producteur agricole à la retraite pourrait cesser de cultiver la terre lui-même, mais, pour des raisons personnelles, il pourrait ne pas vouloir vendre son exploitation. Cette disponibilité limitée de terres agricoles à vendre a été et continuera d’être un facteur déterminant dans l’évolution de la valeur des terres agricoles.

Qu’est-ce que cela signifie et quel est le lien avec le métayage? Certains agriculteurs qui prennent leur retraite aimeraient continuer de pratiquer l’agriculture sous une forme ou une autre et demeurer attachés à la terre. Ils pourraient être des partenaires idéaux pour de jeunes producteurs cherchant à accroître leur superficie cultivée.

En conclusion

Nous prévoyons actuellement des marges étroites, voire négatives, pour 2025. Si ces chiffres se concrétisent, il s’agira de la troisième année consécutive de pertes pour la plupart des producteurs canadiens de céréales et d’oléagineux. Les baux à métayage sont une option qu’il ne faut pas écarter. Si toutes les exploitations agricoles peuvent profiter d’une réduction de l’impact sur les flux de trésorerie en période de resserrement des marges, les jeunes agriculteurs sont probablement ceux qui ont le plus à y gagner. En outre, le métayage offre aux jeunes agriculteurs une solution viable pour la poursuite de leurs activités malgré le prix élevé des terres agricoles en leur permettant de louer des terres auprès d’agriculteurs ou de propriétaires fonciers établis. Et ceux-ci peuvent envisager l’établissement de baux à métayage dans le cadre de leurs stratégies à long terme, puisque ces ententes peuvent contribuer à atténuer les risques.

x.com/AndersonLeigh3
Leigh Anderson

Économiste principal

Fort de son expérience dans les marchés agricoles et la gestion du risque, Leigh Anderson est économiste principal à FAC. Il est spécialisé dans la surveillance et l’examen du portefeuille de FAC et de la santé de l’industrie, et il livre des analyses sur les risques liés à l’industrie. En plus de faire des présentations sur l’agriculture et l’économie, Leigh participe régulièrement au blogue des Services économiques de FAC.

Leigh est entré en fonction à FAC en 2015 au sein de l’équipe des Services économiques. Il œuvrait auparavant auprès de la Direction des politiques du ministère de l’Agriculture de la Saskatchewan. Il est titulaire d’une maîtrise en économie agricole de l’Université de la Saskatchewan.