Quatre sujets économiques suscitant des discussions dans l’industrie agroalimentaire
L’un des aspects les plus agréables du travail d’économiste à FAC consiste à présenter nos perspectives économiques lors des événements de l’industrie. Cela nous permet de communiquer directement avec des producteurs agricoles, des transformateurs de produits alimentaires et des propriétaires d’entreprises agroalimentaires de tout le pays pendant la partie questions‑réponses des événements.
J’apprends toujours une tonne d’informations pertinentes lors des discussions que nous avons pendant les conférences. Peut‑être pourrions‑nous regrouper ces données dans un baromètre qui mesurerait la santé économique du secteur? En attendant de convertir les informations en indicateurs significatifs, voici un résumé des quatre principaux sujets d’intérêt que notre équipe a pu dégager des conférences de l’été, ainsi que notre propre analyse.
1. L’inflation et les taux d’intérêt sont liés
C’est sans conteste le sujet de préoccupation de l’heure. L’inflation est descendue à 7,6 % en juillet (de 8,1 % en juin), ce qui s’explique presque entièrement par la baisse des prix de l’essence. L’inflation des denrées alimentaires se maintient à 9,2 %. La Banque du Canada a décidé de devancer les hausses de son taux de financement à un jour en raison des pressions inflationnistes persistantes. Mais l’économie est‑elle sur la voie d’une inflation de 2 %? Oui, nous nous attendons à ce que l’inflation commence à se résorber, mais la Banque du Canada estime qu’il faudra attendre la fin de 2023 pour y arriver. Il faut du temps pour que la hausse des taux d’intérêt puisse tempérer la demande et freiner l’inflation. Nous devrions toutefois constater une amélioration au cours du deuxième semestre de 2022, si les prix de l’énergie baissent.
Notre analyse? Nous prévoyons une nouvelle hausse de 100 points de base du taux de financement à un jour avant la fin de l’année. L’agriculture canadienne devrait rester financièrement saine étant donné la solidité des prévisions de recettes monétaires pour 2022.
2. Une récession n’est pas inévitable
Il est juste de dire que les risques de récession ont augmenté au cours des derniers mois, mais le consensus est qu’une récession n’est pas inévitable. Bien sûr, l’inflation et la hausse des taux d’intérêt réduisent le pouvoir d’achat des ménages – ce qui pèse sur l’économie. Et la courbe des taux indique qu’un ralentissement s’en vient vu que les taux à court terme sont supérieurs aux taux à long terme. Mais le marché du travail est tendu, avec un taux de chômage de 4,9 % en juillet et une croissance des salaires qui se renforce. Les deux trimestres consécutifs de croissance négative du PIB aux États‑Unis alimentent les conversations visant une possible récession. Mais cette contraction du PIB est le résultat d’une baisse des dépenses publiques et d’un affaiblissement des exportations, alors que les indicateurs économiques fondamentaux semblent bien meilleurs que lors des récessions précédentes.
Notre analyse? Nous pensons toujours qu’un rétablissement en douceur de l’économie est possible. Et si une récession se produit, ce sera une situation sans précédent vu l’état du marché du travail. Une récession mondiale est peut‑être ce que nous devrions craindre le plus, car elle affaiblirait la demande de produits de base et pourrait entraîner une baisse des prix des produits agricoles. L’Europe et la Chine semblent les plus menacées par un ralentissement important.
3. Les pressions sur la rentabilité sont réelles, mais un soulagement
Pour ce qui est des producteurs et des transformateurs canadiens, la demande de produits alimentaires reste forte, compte tenu de l’offre restreinte de produits de base et de denrées alimentaires. Cela est de bon augure pour les prévisions de revenus bruts à presque tous les niveaux de la chaîne d’approvisionnement, mais on me rappelle souvent que la rentabilité compte davantage. Les prix des céréales et des oléagineux ont commencé à baisser en juin, mais sont restés élevés par rapport à l’année dernière et à leur moyenne sur cinq ans (Figure 1). Bien que les prix des intrants de culture soient élevés, ils ont baissé par rapport au pic (par exemple, les engrais). La baisse des prix des aliments pour animaux apportera un certain soulagement aux éleveurs. Les marges brutes des fabricants d’aliments ont été inférieures d’environ 10 % en moyenne au cours du premier semestre de l’année par rapport à 2021. Cependant la baisse des prix des matières premières envoie des signaux positifs pour le second semestre de 2022. Les coûts de la main ‑d’œuvre continuent de nuire à la rentabilité et conduiront davantage d’entreprises à rechercher des solutions d’automatisation.
Figure 1 : Prix moyens mensuels de juin 2022 par rapport à l’année dernière et aux moyennes sur cinq ans
Notre analyse? La guerre en Ukraine continuera probablement à générer de la volatilité, mais les ratios stocks‑utilisation pour les cultures et les stocks de bétail sont faibles. Cela devrait soutenir les prix jusqu’à ce que nous obtenions plus de certitude sur la taille des cultures de 2022. À long terme? L’OCDE et la FAO font des prévisions optimistes.
4. Les cryptomonnaies ne sont pas pour les âmes sensibles
Je n’ai jamais eu autant de demandes de renseignements sur l’avenir des cryptomonnaies que pendant l’été. Pour tout vous dire, c’est la question qui me déplaît le plus. Peut‑être parce que je n’ai pas de réponses satisfaisantes. De nombreuses monnaies se sont retrouvées dans l’actualité, et surtout pour des raisons pas très positives. Au cours des 12 derniers mois, le Bloomberg Galaxy Crypto Index [en anglais seulement] est passé d’un sommet de près de 4 000 à un creux d’environ 850.
Notre analyse? Les monnaies ont deux fonctions principales : elles sont un moyen d’échange et une réserve de valeur. Vous pouvez acheter des biens et des services avec des cryptomonnaies, mais elles ne sont acceptées que dans quelques points de vente, ce qui répond apparemment au premier critère. Les cryptomonnaies peuvent-elles stocker de la valeur? Oui, mais les marchés de cryptomonnaies sont relativement petits, ce qui les rend volatiles. Ce n’est donc pas un bon moyen de stocker de la valeur.
J’espère que nous nous retrouverons bientôt
C’est enrichissant de parler directement à des entrepreneurs chevronnés des secteurs de l’agriculture et de l’agroentreprise et agroalimentaire lors de conférences, et notre équipe a hâte de participer à quelques événements de l’industrie à l’automne. Si jamais nous nous croisons, n’hésitez pas à venir me rencontrer, parce qu’il n’y a rien que j’aime plus qu’une conversation animée sur l’économie.
Vice-président exécutif, Stratégie et Impact et économiste en chef
Jean-Philippe est Vice-président exécutif, Stratégie et Impact et économiste en chef à FAC. Il offre des conseils qui aident à orienter la stratégie de FAC et qui servent à identifier les risques et opportunités dans l’environnement d’affaires. En plus d’agir comme porte-parole de FAC pour des questions économiques, Jean-Philippe offre ses commentaires sur l'industrie agricole et agroalimentaire dans des vidéos et le blogue des Services économiques FAC.
Avant de se joindre à FAC en 2010, Jean-Philippe était professeur d’agroéconomie à l’Université North Carolina State et à l’Université Laval. Jean-Philippe détient le titre de Fellow de la Société canadienne d’agroéconomie. Il a obtenu son doctorat en économique de l’Université d’Iowa State en 1999.