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Tendances du marché du travail dans le secteur de la fabrication des aliments et boissons

18 déc. 2024
9,5 min de lecture

Même si le marché du travail s’est quelque peu assoupli en 2024, cela ne veut pas dire que dans le secteur agroalimentaire, les difficultés se sont atténuées. Le nombre de postes vacants diminue par rapport aux sommets observés pendant la pandémie, mais les problèmes structurels du marché du travail continuent de nuire à l’offre de main-d’œuvre à long terme. Cela laisse croire que le problème des coûts salariaux élevés, qui continuent à peser sur les marges des fabricants, ne se réglera pas de sitôt. Dans ce rapport, nous présentons certains des défis liés à la main-d’œuvre auxquels fait face le secteur et nous accordons une attention particulière aux stratégies destinées aux petites entreprises.

Les pressions sur le marché du travail s’estompent

La tendance que nous avons observée l’année dernière, à savoir l’amélioration des perspectives à court terme concernant les pénuries de main-d’œuvre, s’est poursuivie en 2024.

En 2024, la demande de main-d’œuvre (salariés et postes vacants) a chuté pour la première fois depuis 2020 dans le secteur de la production alimentaire. Le nombre de salariés a diminué de 4,7 % et le nombre de postes vacants a dégringolé de 31,8 %. Le taux de postes vacants a donc baissé à 2,6 % en 2024, ce qui indique une concurrence moins vive entre les employeurs pour les travailleurs. Malgré cela, les salaires offerts dans le secteur de la fabrication des produits alimentaires ont affiché une tendance à la hausse en 2024 (tableau 1).

Par ailleurs, le secteur de la fabrication des boissons a connu une diminution de 21,1 % du nombre de postes vacants entre 2023 et 2024 et une baisse du taux de postes vacants. Toutefois, le nombre de salariés a rebondi après deux années de déclin, ce qui a fait grimper la demande de main-d’œuvre de 6,8 % en 2024. La croissance des salaires a été plus faible du côté de la fabrication des boissons, mais a suivi la même tendance que dans la fabrication des aliments au cours des cinq dernières années. En 2024, les tendances ont divergé : les salaires offerts ont diminué dans le secteur de la fabrication des boissons et augmenté dans celui de la fabrication des aliments (tableau 1).

Tableau 1 : La demande de main-d’œuvre et les salaires dans la fabrication des aliments et des boissons suivent des trajectoires différentes en 2024

Le tableau 1 présente la demande de main-d’œuvre (c’est-à-dire la somme des salariés et des postes vacants) dans le secteur de la fabrication des aliments et des boissons, et les salaires entre 2019 et 2024. En 2024, la demande de main-d’œuvre a reculé et les salaires ont monté dans le secteur de la fabrication des aliments, tandis que dans celui de la fabrication des boissons, la demande de main-d’œuvre a progressé et les salaires ont baissé.

*La ligne 2024 présente les données du T1 du T3 et la ligne 2020 comprend uniquement les données du T1 et du T4.

Données pour les codes SCIAN 311 et 312.

Sources : Statistique Canada et Services économiques FAC

Les postes vacants les plus courants sont ceux de manœuvres, d’opérateurs au contrôle de procédés et de bouchers industriels, mais les postes vacants dans ces métiers sont aujourd’hui à un niveau équivalent ou inférieur à celui de 2019 (figure 1).

Figure 1: Le nombre de postes vacants dans le secteur de la fabrication des aliments et boissons atteint le niveau de 2019

Figure 1 – Graphique qui comporte trois lignes montrant le nombre de postes vacants chez les manœuvres, les bouchers industriels et les opérateurs de machines et de contrôle de procédés dans les entreprises agroalimentaires; ce nombre a atteint, au troisième trimestre de 2024, un niveau équivalent ou inférieur à celui de 2019.

Source : Statistique Canada

Même si la concurrence pour les travailleurs s’atténue, ce n’est pas forcément un signe positif pour l’avenir. Le recul de la demande de main-d’œuvre dans le secteur de la fabrication des aliments et boissons intervient alors que le secteur termine l’année avec des ventes qui stagnent et des salaires qui tentent de rattraper l’inflation. Les Services économiques FAC prévoient une croissance plus marquée des ventes en 2025, mais aussi une hausse des salaires. Compte tenu de l’incertitude qui entoure la demande intérieure et les exportations, les entreprises pourraient hésiter à accroître leurs effectifs. Par ailleurs, l’incertitude actuelle a entraîné la mise en pause des plans d’investissement, ce qui n’est pas de bon augure pour la productivité du secteur.

Surveiller l’offre de main-d’œuvre

Selon l’Enquête sur les perspectives des entreprises pour le troisième trimestre de 2024 de la Banque du Canada, les entreprises ont indiqué avoir moins de mal à trouver de la main‑d’œuvre, ce qui atténue la pression exercée par les pénuries de main-d’œuvre par rapport à l’année dernière.

L’emploi dans le secteur de la fabrication des aliments et des boissons est en passe de diminuer légèrement en 2024, tandis que le taux de chômage affiche une tendance à la hausse. Le ratio chômeurs-postes vacants a atteint 2,3 pour le secteur au troisième trimestre de 2024, ce qui est supérieur au taux observé en 2019. Cela signifie qu’il y a 2,3 chômeurs dont le dernier emploi se trouvait dans le secteur de la fabrication des aliments et boissons pour chaque poste vacant dans ce secteur (figure 2).

Figure 2 : La disponibilité de la main-d’œuvre s’accroît avec l’augmentation du chômage par rapport aux postes vacants

Figure 2 – Graphique qui comporte une ligne montrant le ratio chômeurs-postes vacants, qui a augmenté pour atteindre un sommet de 2,1 au premier trimestre de 2024, pour ensuite diminuer à 2,3 au troisième trimestre de 2024.

Source : Statistique Canada

Cela indiquerait normalement un assouplissement du marché de l’emploi, davantage de travailleurs étant disponibles, ce qui signifie moins de pression sur les entreprises pour majorer les salaires. Or, le secteur de la fabrication des aliments et des boissons est toujours confronté à des problèmes d’approvisionnement en main-d’œuvre. Le pourcentage de la main-d’œuvre âgée de plus de 60 ans dans la fabrication et la transformation est en hausse et a atteint 16 % en 2024 (figure 3). Si l’on inclut les personnes de plus de 55 ans, ce chiffre passe à 28 %. En ce qui concerne plus particulièrement le secteur de la fabrication des aliments et des boissons, Compétences Transformation Alimentaire Canada a observé des résultats similaires dans une récente étude indiquant que 24 % de la main-d’œuvre est âgée de 55 à 64 ans et sera admissible à la retraite au cours des dix prochaines années. L’organisation estime que le secteur devra embaucher et maintenir en poste 142 000 nouveaux travailleurs entre 2023 et 2030, ou investir dans l’automatisation pour compenser cette demande de main-d’œuvre prévue.

Figure 3 : La proportion de la main-d’œuvre de plus de 60 ans continue d’augmenter dans le secteur de la fabrication et de la transformation

Figure 3 – Graphique à colonnes montrant la main-d’œuvre du secteur de la fabrication et de la transformation répartie dans quatre groupes d’âge pour 2015, 2019 et 2024.

Sources : Gouvernement ouvert et Services économiques FAC

De nombreuses entreprises agroalimentaires dépendent de la main-d’œuvre temporaire et de l’immigration pour pourvoir les postes vacants, mais il est difficile de dire combien de temps elles pourront en bénéficier. Rappelons-nous que le gouvernement du Canada a apporté des modifications au Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET), au Programme de mobilité internationale (PMI) et au plan de niveaux d’immigration, dans le but de faire mieux correspondre les niveaux d’immigration avec la capacité des collectivités. Même si les fabricants de produits alimentaires sont actuellement dispensés des changements apportés au PTET, il n’est pas exclu que d’autres modifications soient apportées au programme. Quoi qu’il en soit, nous prévoyons qu’une offre de main-d’œuvre restreinte continuera de soutenir une forte croissance des salaires, ce qui entraînera un resserrement des marges des fabricants d’aliments et de boissons en 2025.

Mettre en valeur les petites entreprises du secteur agroalimentaire

Le secteur de la fabrication des aliments et boissons du Canada est essentiellement constitué de petites entreprises. Sur près de 8 700 établissements comptant des employés1, près de 8 000 en ont moins de 100 (figure 4). Les petites entreprises ont l’avantage d’être plus agiles et de pouvoir s’adapter rapidement aux changements du marché, contrairement aux grandes, qui ont tendance à être plus lentes à changer. Cependant, elles ont du mal à rivaliser avec les grandes entreprises pour attirer les talents en raison de leurs ressources financières et humaines limitées.

Figure 4 : Les petites entreprises constituent la plus grande proportion des établissements de fabrication d’aliments et de boissons

Figure 4 – Graphique à colonnes montrant la proportion d’établissements en fonction du nombre de salariés. La part la plus élevée revient aux microentreprises (de 1 à 4 employés) et aux petites entreprises (de 5 à 99 employés).

Source : Innovation, Sciences et Développement économique Canada

Les petites entreprises éprouvent souvent des difficultés à offrir des possibilités concurrentielles d’avancement de carrière, de formation, d’intégration et de rémunération. Par exemple, les petits fabricants de produits alimentaires sont près de 7 % moins nombreux que les grands à proposer des formations liées au poste. L’écart se creuse davantage pour l’encadrement et la formation aux nouvelles technologies (figure 5). Cela risque de ralentir la croissance de la productivité dans les petites entreprises et, en l’absence de mesures, de menacer leur existence.

Figure 5 : Les petites entreprises sont moins nombreuses que les grandes à proposer des formations à leurs employés

Figure 5 – Graphique à colonnes montrant que les petites entreprises sont moins susceptibles que les grandes d’offrir des activités de formation à leurs employés.

Sources : Statistique Canada et Services économiques FAC

Que peuvent donc faire les entreprises?

Les petites entreprises ne sont peut-être pas en mesure de rivaliser avec les grandes sur le plan des incitatifs financiers, mais elles peuvent attirer des employés en offrant des avantages non financiers tels que la conciliation travail-vie personnelle, la flexibilité et un milieu de travail axé sur les valeurs. La nouvelle main-d’œuvre accorde plus d’importance à ces aspects que les générations précédentes, ce qui donne aux petites entreprises l’occasion de se démarquer.

Par ailleurs, les petites entreprises doivent s’efforcer d’accroître leur productivité, d’investir dans l’automatisation, d’intégrer les groupes sous-représentés, d’innover et de tirer parti des programmes gouvernementaux. Bon nombre de ces stratégies sont rentables, comme le recrutement de talents diversifiés, le repositionnement de la marque, la participation à de nouvelles plateformes de médias sociaux, la réorganisation des responsabilités au travail et la prise de décisions en équipe. Pour ces initiatives et d’autres plus coûteuses, la collaboration avec des experts peut aider à déterminer le meilleur rendement du capital investi.

En conclusion

Les graves pénuries de main-d’œuvre observées pendant la pandémie se sont atténuées, mais les obstacles structurels au recrutement et au maintien en poste de la main-d’œuvre persistent dans le secteur de la fabrication des aliments et boissons. Le bassin de main-d’œuvre du Canada vieillit, et les programmes de main-d’œuvre temporaire changent. Il est donc crucial de mettre l’accent sur des initiatives visant à stimuler la productivité et à compenser les pressions futures du côté de la main-d’œuvre. La difficulté, en particulier pour les petites entreprises, consiste à trouver un équilibre entre les besoins en main-d’œuvre immédiats et les stratégies à long terme de croissance et d’innovation.


1 On compte 4 621 établissements de fabrication d’aliments et 1 124 établissements de fabrication de boissons qui sont classés comme n’ayant pas de masse salariale, mais qui peuvent disposer d’une main-d’œuvre composée de travailleurs contractuels, de membres de la famille ou des propriétaires.
Amanda Norris

Économiste principale

Amanda s’est jointe à FAC en 2024 en tant qu’économiste. Spécialisée dans l’industrie agroalimentaire, elle effectue également des recherches sur la gestion de l’offre et les tendances de consommation. Amanda était auparavant à Agriculture et Agroalimentaire Canada, où elle a acquis une vaste connaissance de l’économie, des techniques et du secteur en occupant divers postes, notamment ceux de conseillère en matière de politiques, de chef de projets et d’économiste.

Amanda est titulaire d’une maîtrise en économie de l’alimentation, de l’agriculture et des ressources de l’Université de Guelph. Elle est également membre du conseil d’administration de la Société canadienne d’agroéconomie, où elle promeut les activités de rayonnement et l’importance de la recherche en agriculture et agroalimentaire.