Éliminer la stigmatisation entourant la maladie mentale chez les hommes
La santé mentale est un sujet qui peut être difficile à aborder pour quiconque, mais encore plus pour les hommes.
Vestige des idées anciennes au sujet de la masculinité ou reflet de normes sociales non remises en question concernant l’autonomie des agriculteurs, la difficulté de discuter des émotions et des sujets chargés d’émotivité peut se révéler plus importante pour les hommes. En fait, les statistiques montrent que les exploitants agricoles sont plus susceptibles de souffrir de maladies mentales que la population générale.
Toutefois, il n’y a pas de raison que les choses restent ainsi, selon Gerry Friesen et Sean Stanford, ambassadeurs du milieu agricole qui ont connu des problèmes de santé mentale. Tous deux ont réussi à surmonter les obstacles en s’ouvrant et incitent les autres à demander de l’aide.
Cultiver la conscience de soi
La conscience de soi, c’est-à-dire la compréhension de nos émotions et des raisons pour lesquelles nous les éprouvons, est une compétence de vie importante.
Selon M. Friesen, pratiquer la conscience de soi est une excellente stratégie pour déterminer si le niveau de stress est trop élevé. Cette stratégie l’a grandement aidé dans son propre parcours de bien-être mental, notamment pour surmonter le stress lié à l’agriculture durant les années 2000. La conscience de soi aide une personne à passer à l’action, qu’il s’agisse de demander de l’aide professionnelle ou de simplement s’ouvrir à des amis proches et à la famille.
Avoir conscience du stress psychologique n’est pas facile en soi. Aujourd’hui conférencier, coach et spécialiste du stress, après avoir cessé de pratiquer l’agriculture en 2007, M. Friesen dit qu’il faut du temps pour comprendre ce qui cause l’angoisse. Une fois qu’on en a pris conscience, il peut cependant être intimidant d’en parler. Cela se remarque surtout quand l’angoisse s’accompagne d’un sentiment d’isolement, tant physique que mental, et qu’une personne est convaincue d’être la seule dans sa situation.
Le stress est la règle, non l’exception
Le secret, dit M. Friesen, c’est que d’autres personnes se trouvent dans la même situation. Les problèmes de santé mentale sont davantage universels qu’exceptionnels, et un état d’ouverture à ce sujet incite souvent les autres à raconter leur histoire. M. Friesen a fait ce constat au cours d’une série d’ateliers qu’il a organisés dans l’ouest du Manitoba et qui portaient particulièrement sur les hommes et la dépression.
C’est difficile de faire parler les hommes. Il y a encore des tabous.
« Il est vrai que les hommes ont tendance à réagir différemment. C’est difficile de faire parler les hommes. Il y a encore des tabous, mais je remarque une évolution. Les hommes s’ouvrent de plus en plus. Ils sont plus disposés à parler de la gestion du stress. Maintenant, les gens se lèvent et posent des questions après mes présentations, dit M. Friesen. Je suis dans la soixantaine. Je pense que nous devons aussi nous focaliser sur ma génération parce que c’est elle qui vit beaucoup de problèmes à l’heure actuelle. »
« Au cours de mes 23 années en médiation agricole, j’ai remarqué que les personnes un peu plus âgées que moi hésitaient beaucoup à parler de leur bien-être mental et de ses répercussions sur eux, leurs relations et leur entreprise agricole. Les jeunes générations sont plus ouvertes. »
Selon l’expérience de M. Friesen, l’ampleur des investissements nécessaires à l’exploitation d’une entreprise agricole aujourd’hui exerce une pression supplémentaire sur les agriculteurs, en particulier les hommes à qui l’on a inculqué les mérites de l’autonomie. Il estime important de reconnaître l’incidence que « quelques zéros » de plus sur un chèque ou une facture peut avoir sur le bien-être d’une personne et que tous les agriculteurs sont confrontés à des chiffres qui, souvent, ne tiennent pas la route.
« Nous devons être conscients de ce qui se passe et faire des changements de manière proactive. Les agriculteurs avaient l’habitude de dire qu’il y aura toujours l’année prochaine, mais quelque part, cela nous rattrape, dit-il. Voici un message vraiment important : vous n’êtes pas seul. » Le fait d’en être conscient peut favoriser l’ouverture.
Il peut aussi être difficile de poursuivre une conversation déjà entamée. M. Friesen encourage les gens à écouter leurs proches qui ont de la difficulté à trouver normal et à valider ce qu’ils ressentent. Faites-leur savoir qu’il est correct d’éprouver ces sentiments et offrez-leur de les aider à trouver du soutien à leur propre rythme.
« Dans les faits, nous camouflons nos états d’âme parce que nous ne voulons pas que les autres sachent ce qui se passe. Les humains ont tendance à vouloir forcer les autres à s’exprimer, mais ça ne fonctionne pas », dit M. Friesen.
Une avalanche de commentaires positifs
Comme M. Friesen, M. Stanford affirme que la crainte de se faire reprocher de ne pas avoir affiché ce qui pourrait être considéré comme un comportement masculin plus traditionnel peut empêcher les hommes de parler ouvertement de leurs problèmes de santé mentale. C’était son cas à lui. Cependant, après avoir extériorisé ses propres difficultés, les commentaires qu’il a reçus ont été extrêmement positifs.
« Je ne savais pas quoi faire après avoir compris que j’avais des problèmes. C’était autour de 2017. Je me suis dit qu’il serait sage de m’exprimer et de voir si quelqu’un pouvait m’aider; peut-être pourrions-nous collaborer et nous aider mutuellement », dit M. Stanford.
« Il y a eu beaucoup de communication. J’en ai surtout parlé sur Twitter. Certaines personnes ont discuté ouvertement avec moi sur cette plateforme, mais j’ai été bouleversé par le nombre de messages privés et d’appels téléphoniques que j’ai reçus. Malgré tout, j’avais encore des réticences. Je nageais dans l’inconnu. Personne ne savait quoi dire ou à quoi s’attendre. »
M. Stanford continue à parler ouvertement de santé mentale et fait la promotion du bien-être mental. Ce n’est toujours pas facile à faire, confie-t-il, mais l’importance d’en parler ouvertement est évidente. Le principal, lorsqu’on essaie d’aider quelqu’un, est de s’assurer qu’il sait qu’il peut communiquer avec nous, dit-il.
« Assurément, la stigmatisation est moins grande qu’avant. Parallèlement, les coûts liés à l’agriculture sont plus élevés que jamais. Il en découle aussi beaucoup de stress », affirme M. Stanford.
« Soyez ouvert et accessible. Soyez cette personne présente pour les gens qui en ont besoin. Tout le monde veut pouvoir obtenir de l’aide à son rythme et à sa convenance. »
Une étude menée au Royaume-Uni montre que les hommes en milieu rural sont moins susceptibles que les hommes des régions urbaines (43 % contre 51 %) de demander de l’aide ou de parler à quelqu’un s’ils éprouvent des problèmes de santé mentale. Les femmes qui vivent en milieu rural, quant à elles, sont plus susceptibles (60 %) que les hommes de demander de l’aide.
Source : samaritans.org [en anglais seulement]
D’après un article de l’AgriSuccès par Matt McIntosh.