Perspectives pour le secteur de la viande rouge : la forte demande mondiale compense les tensions géopolitiques
L’équipe des Services économiques de FAC jette un regard de mi‑année sur nos perspectives économiques de janvier 2019. Pendant les mois de juillet et août, nous ferons le point sur nos attentes au sujet de la rentabilité dans sept secteurs agricoles canadiens (soit les secteurs des produits laitiers, du poulet à griller, de la viande rouge, de la transformation alimentaire, de l’horticulture, de l’agroentreprise ainsi que le secteur des céréales, oléagineux et légumineuses). Nous décrirons ce qui s’est passé en 2019 jusqu’ici et ce que vous devriez surveiller au cours des six prochains mois.
Le bon début d’année qu’a connu le secteur bovin sera probablement neutralisé au cours de la seconde moitié de l’année, faisant de 2019 une année difficile pour la rentabilité des exploitations de naissage (vache-veau) et des parcs d’engraissement. La croissance des recettes globales de bovins au cours du premier trimestre, laquelle est attribuable à la vigueur de la production et des exportations de bœuf, devrait se contracter sous l’effet de la détérioration du secteur des aliments pour animaux, du ralentissement des mises en marché, et de la diminution des prix saisonniers. La faiblesse des revenus sera accompagnée d’une hausse des coûts des aliments pour animaux.
Nous prévoyons une rentabilité variable pour le secteur porcin canadien pendant le reste de l’année 2019. Au cours des six premiers mois, le secteur a bénéficié d’une hausse des prix du porc et d’une baisse des prix des aliments pour animaux. Nous nous attendons à des marges positives pour finir l’année malgré la hausse prévue des prix des aliments pour animaux. La demande mondiale de porc pourrait croître suffisamment cette année pour soutenir les prix et les recettes des exploitations canadiennes.
Des marges positives sont prévues pour le secteur porcin pour le reste de l’année 2019 malgré la hausse des prix des aliments pour animaux.
Il est possible que les exploitations d’élevage qui ont en place de bonnes stratégies de gestion du risque de prix connaissent une seconde moitié aussi réussie que la première moitié de l’année.
Tendances à surveiller pour le secteur de la viande rouge
Quatre facteurs clés ont influé sur le secteur de la viande rouge depuis le début de l’année :
Les tensions géopolitiques
La peste porcine africaine en Asie et ailleurs
L’incidence attendue des conditions météorologiques sur la production des céréales fourragères
L’appétit des consommateurs pour la viande rouge
Ces facteurs continueront d’exercer une forte influence.
Les tensions géopolitiques et la peste porcine africaine créent des conditions de marché volatiles pour le porc
Les perturbations du marché en 2018 ont entraîné une diminution des recettes monétaires de 9,4 % des exploitations porcines canadiennes pendant les trois premiers mois de l’année par rapport à la même période l’an dernier. Cette diminution suit une baisse de 9,0 % enregistrée à l’automne 2018. La fermeture du plus important marché d’exportation pour le soya américain a contribué à soutenir les marges des exploitations porcines. Les récoltes surabondantes de l’année commerciale 2018-2019 ont fait baisser les coûts des aliments pour animaux pour le secteur pendant les six premiers mois de l’année, ce qui ne pouvait pas mieux tomber étant donné les pressions qu’exercent les tensions commerciales sur les prix du porc.
Les prix ont ensuite grimpé considérablement en avril et en mai en réaction au resserrement prévu des stocks compte tenu de la progression de l’épidémie de peste porcine africaine en Chine. La grande question qui subsiste en 2019 pour la production canadienne et mondiale de viande est la fluctuation possible de l’offre et de la demande mondiales de viande et de cultures.
La demande chinoise devrait continuer de croître tant que la peste porcine africaine restreint l’offre. La consommation de viande en Chine représente actuellement 27 % de la consommation mondiale de viande, dont 60 % est du porc. L’USDA anticipe que la Chine importera (en anglais seulement) des quantités records de porc, de bœuf et de poulet cette année, en hausse de 41 %, 15 % et 68 %, respectivement par rapport à l’an dernier. Ces projections s’appuient sur une réduction hypothétique de la production chinoise de porc de 10 % en 2019, laquelle est relativement modeste et pourrait bien être plus importante.
La hausse des prix du porc a stimulé la production aux États-Unis, laquelle s’est accrue de 4 % au cours des six premiers mois de 2019. Cette augmentation est attribuable aux récents gains de productivité et a été soutenue par la forte demande de porc américain. L’accroissement de la production aux États-Unis a empêché les prix de grimper davantage malgré la croissance anticipée de la demande mondiale liée à la peste porcine africaine. Maintenant que le Mexique a aboli les tarifs sur le porc américain et que les marchés nord-américains et mondiaux se raffermissent, l’USDA s’attend à ce que les prix du porc demeurent supérieurs aux prix de 2018.
Les conditions météorologiques ont accru la volatilité pour le secteur du bœuf canadien
La sécheresse généralis ée dans les Prairies canadiennes et le mauvais état des pâturages rendent difficile l’approvisionnement en aliments pour animaux à des prix raisonnables pour les producteurs. Étant donné les tarifs imposés par la Chine sur le soya, les producteurs des deux côtés de la frontière ont signalé qu’ils produiraient davantage de maïs et moins de soya. L’humidité excessive en Ontario et aux États-Unis au moment des semis a contribué à faire grimper les prix du maïs, ce qui a eu des répercussions négatives sur les prix des aliments pour animaux.
Cette projection est maintenant moins certaine. Les stocks américains de maïs sont plus élevés au début de l’année commerciale 2019-2020 et pourraient croître davantage si le rapport des superficies de juin de l’USDA s’avère exact. La réduction des superficies de maïs liée aux retards d’ensemencement dû aux pluies abondantes est beaucoup moins importante qu’initialement prévu. Cette nouvelle a fait baisser considérablement les prix du maïs.
Malgré cette baisse, nous nous attendons à ce que les coûts des aliments pour animaux soient plus élevés dans la seconde moitié de 2019. Le prix moyen du maïs projeté par l’USDA est de 3,70 $ US pour le maïs; toutefois, les prix à terme sont plus élevés que cette prévision. Selon les plus récentes projections, la production canadienne de maïs devrait être inférieure à celle de l’an dernier en raison de problèmes d’ensemencement en Ontario, ce qui entraînera une hausse considérable des importations. La production d’orge devrait être supérieure à celle de l’an dernier grâce à une hausse des superficies ensemencées en 2019, mais cette augmentation ne sera pas suffisante pour compenser la réduction de la production de maïs.
La détérioration des perspectives des aliments pour animaux (en anglais seulement) pourrait ne pas être aussi grave qu’initialement prévu, en fonction des projections de stocks très bas. Toutefois, il est probable que les coûts des aliments pour animaux continuent de modérer la production bovine aux États-Unis, ce qui devrait contribuer à faire baisser les prix des bovins nord-américains. Au Canada, la stabilité du cheptel de vaches de boucherie et l’augmentation des poids de marché ont entraîné une hausse de la production de bœuf dans la première moitié de 2019. Cette hausse de la production a été accompagnée par une forte demande intérieure et mondiale, y compris au Japon où les ventes à l’exportation du Canada ont doublé entre janvier et juin. Les fluctuations de prix ont depuis renversé la tendance à la hausse du secteur bovin. L’USDA prévoit que le prix moyen des bouvillons gras sera de 110 $ US par 100 lb au troisième trimestre, de 114 $ US/100 lb au quatrième trimestre, et de 117 $ US/100 lb pour l’ensemble de l’année 2019.
La demande des consommateurs continue de stimuler les secteurs de la viande rouge
Un autre point qui continue d’être positif est la demande de viande rouge, tant au Canada que dans le reste du monde. Au cours de la dernière année, les prix de détail de la viande au Canada ont suivi une tendance favorable comparativement aux prix de la plupart des autres aliments. Les prix de toutes les protéines animales ont grimpé à des rythmes similaires entre mai 2018 et mai 2019 : 1,4 % pour le porc et 2,5 % pour le bœuf et le poulet. Pendant la même période, les prix des aliments en général au Canada ont grimpé de 3,5 %.
L’incidence de l’évolution des prix sur la demande des consommateurs sera amplifiée par la vigueur de l’économie canadienne. Le taux de chômage au Canada était de 5,5 % en juin 2019 (près de son plus bas niveau depuis 1976) et le taux horaire moyen a crû à un taux annuel de 3,8 %.
Le ralentissement du début de 2019 freine les hausses de taux — le huard se maintient autour de 0,75 $ US
Les taux d’intérêt et la valeur du dollar canadien ont eu une incidence sur la rentabilité des producteurs canadiens de viande rouge pendant la première moitié de 2019.
L’économie canadienne a enregistré une hausse du produit intérieur brut (PIB) en dollars constants de 0,4 % au cours du premier trimestre de 2019, laquelle était précédée d’une hausse de 0,3 % au dernier trimestre de 2018. Selon la Banque du Canada (BdC), la croissance économique devrait s’accélérer pendant la seconde moitié de 2019, tandis que le taux d’inflation devrait demeurer autour du point médian de 2 % de la fourchette visée par la BdC.
Nos perspectives relatives aux taux d’intérêt ont considérablement changé depuis janvier 2019 en raison du ralentissement de la croissance économique. Nous nous attendons à ce que la BdC maintienne son taux directeur inchangé jusqu’à la fin de l’année 2019 et les marchés financiers laissent croire qu’une baisse des taux est possible. Cela a fait baisser les taux d’intérêt à long terme, donnant l’occasion aux entreprises de bloquer des taux fixes à long terme historiquement faibles.
Notre prévision de janvier d’un huard à 0,75 $ US était en plein dans le mille jusqu’à la mi-juin. L’évolution des taux d’intérêt au Canada et aux États-Unis ainsi que la vigueur du marché pétrolier influencent les perspectives du taux de change, lesquelles ont une incidence sur les prix du bétail et des aliments pour animaux.
Faisant preuve d’une certaine vigueur, l’économie des États-Unis a affiché une hausse de 3,2 % de son PIB en dollars constants pendant le premier trimestre de 2019, ce qui représente une performance économique comparable à celle de 2018. Toutefois, en mars, le président de la Réserve fédérale américaine a annoncé qu’il ne prévoyait plus hausser le taux directeur d’ici la fin de l’année, comme il avait antérieurement prévu de le faire deux fois. Et la plus récente annonce de la Réserve fédérale américaine laisse présager qu’au moins une baisse est possible avant la fin de l’année. Une baisse des taux d’intérêt aux États-Unis pourrait faire bondir légèrement le huard.
À l’inverse, une baisse potentielle des prix du pétrole affaiblit les prévisions pour le dollar canadien. Des interruptions à l’approvisionnement et des mesures de contrôle de la production ont fait bondir le prix du pétrole brut de la West Texas Intermediate (WTI) à une moyenne de 57 $ US. Le prix de référence du pétrole brut canadien a également fait un bond suivant les réductions de production en Alberta plus tôt cette année. Néanmoins, la croissance économique mondiale s’est essoufflée (conformément aux prévisions du début d’année) en raison des tensions commerciales, lesquelles ont affaibli la demande mondiale de pétrole.
L’équipe des Services économiques de FAC s’attend à ce que le dollar canadien oscille autour de 0,745 $ US pour le reste de l’année 2019. À court terme, le huard pourrait s’apprécier tant que la Réserve fédérale américaine maintient une position plus favorable aux taux d’intérêt que la BdC. La baisse du dollar canadien entraîne une hausse des prix du bétail ainsi qu’une hausse légère des aliments pour animaux.
Facteurs à surveiller
Le rapport de production des cultures d’août de l’USDA (lequel comprendra des estimations révisées des superficies ensemencées en maïs).
Le processus de ratification de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique.
L’évolution des négociations Chine–États-Unis en général et les conséquences des tensions persistantes sur les prix de la viande.
L’interruption des exportations de porc et de bœuf canadiens vers la Chine pour des raisons non tarifaires.
La progression du virus de la peste porcine africaine en Chine et dans les autres principaux pays producteurs de porc.
La production sud-américaine d’animaux d’élevage et de cultures. Les premières prévisions indiquent une récolte record de maïs qui pourrait faire baisser les prix des aliments pour animaux. Mais ce qui pourrait être encore plus déterminant est la relation grandissante entre la Chine et les fournisseurs européens et sud-américains. Ayant mis un pied dans la porte de ces grands marchés, ces fournisseurs pourraient être difficiles à supplanter lorsque les relations entre l’Amérique du Nord et la Chine s’amélioreront.
Rédactrice économique
Membre de l’équipe des Services économiques depuis 2013, Martha Roberts est une spécialiste en recherche qui étudie les risques et les facteurs de réussite pour les producteurs agricoles et les agroentreprises. Martha compte 25 années d’expérience dans la réalisation de recherches qualitatives et quantitatives et la communication des résultats aux spécialistes de l’industrie. Elle est titulaire d’une maîtrise en sociologie de l’Université Queen’s à Kingston, en Ontario, et d’une maîtrise en beaux-arts en écriture non fictive de l’Université de King’s College.